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Un Moment Dans Le Temps

Copyright © 2000-2003 by Mike Everhart

 

Dernière mise à jour le 02/24/2008

Traduit par Jean-Michel Benoit

 

 

Utilisé avec la permission de Dan Varner; Copyright © Dan Varner


Le jeune mosasaure adulte se débattait avec peine tandis qu’il nageait lentement sous la calme surface de la mer chaude et peu profonde. C’était le pic de la saison annuelle de reproduction et une rencontre fortuite plus tôt dans la journée avec un mâle excité de plus grande taille l’avait laissé avec sa nageoire avant gauche endommagée et dorénavant inutile. Le reptile marin de 5,50 mètres de long n’arrêtait pas de se rouler sur son côté gauche car sa nageoire endommagée ne lui procurait plus l'appui nécessaire pour le maintenir en position stable. Faire surface pour respirer était difficile et ses efforts pour amener sa tête au-dessus de la surface de l’eau étaient bruyants. Essayer de nager sans l’aide d’une nageoire avait amené la créature au bord de l’épuisement et avait aussi attiré l’attention de charognards dans les environs.

Même si la perte de sang occasionnée par la blessure superficielle s’était arrêtée bien des heures plus tôt, une nuée de petits requins du genre Squalicorax nageait en cercles autour du mosasaure, s’approchant parfois de près comme pour estimer le meilleur moment pour l’attaquer. Le plus grand de ces requins mesurait moins du tiers de la longueur du mosasaure et, en temps normal, n’aurait représenté aucune menace réelle. En fait, le mosasaure avait tué et dévoré des requins comme ceux-ci durant ces dernières années.

Mais maintenant la roue avait tourné et, de prédateur, le jeune mosasaure était devenu proie. Il n’y avait aucun endroit où se cacher dans la Mer Intérieure de l’Ouest et aucune protection à attendre de la part de ses congénères.

De l’extérieur du cercle où gravitaient les requins charognards, un autre requin, de bien plus grande taille, se dirigea vers le mosasaure. Les sens du requin avaient détecté les éclaboussures faites par le mosasaure blessé depuis plus d’un kilomètre et demi de distance et l'avaient averti de l’opportunité d’un repas potentiel. Presque aussi long que le mosasaure et deux fois plus lourd, le requin géant écarta les petits charognards se trouvant sur son chemin tandis il s’approchait rapidement par derrière. Les mâchoires grandes ouvertes du requin percutèrent le mosasaure sur le côté droit, juste derrière la cage thoracique, et l’impact souleva l’animal blessé quasiment hors de l’eau. Quand les mâchoires massives se refermèrent, des dents de 5 centimètres, telles des rangées de lames de rasoir, tranchèrent un morceau de peau, de muscles et d'intestins de la taille d’une grande assiette du corps du mosasaure, lui infligeant une blessure mortelle.

Puis, avant que le mosasaure n’ait pu réagir à la première morsure, les mâchoires se refermèrent à nouveau, cette fois à travers la colonne vertébrale de 7,5 centimètres de largeur. Les dents aiguisées cisaillèrent à travers muscles et vertèbres, coupant la moelle épinière et plusieurs vaisseaux importants. Comme les dents pénétraient les vertèbres épaisses de plus de 7,5 centimètres, plusieurs de ces dents se cassèrent et restèrent prisonnières dans l’os. L’eau devint rapidement rouge de sang alors que le mosasaure se débattait dans des convulsions mortelles, son corps presque entièrement coupé en deux par la terrible morsure du requin.

Puis, comme le requin ouvrait et fermait rapidement sa gueule pour avaler de larges morceaux de chair et d’os, les charognards surgirent dans l’eau teintée de sang et attaquèrent la carcasse du mosasaure mort. Le grand requin commença à se rapprocher de cette frénésie meurtrière puis, brusquement, changea de direction, nageant lentement en s’éloignant de la nuée des charognards. Sa faim immédiate satisfaite, le requin détourna son attention de la bataille autour des restes du mosasaure et reprit son chemin vers l’ouest dans les eaux chaudes de la mer intérieure. Deux heures plus tard, le requin ouvrit sa gueule et régurgita un morceau de 30 centimètres de long composé de vertèbres de mosasaure indigestibles.

creteth1.jpg (17775 bytes) Dessins des dents du requin Ginsu (Cretoxyrhina mantelli), presque à la taille réelle. Allez ICI pour voir des photos des dents.
A gauche, le croquis d'un paléontologiste (Shimada, 1995) montrant ce à quoi Cretoxyrhina a pu ressembler.  On découvre encore des restes bien conservés de ce requin (Voir la découverte 2002 ICI). Après cette récente découverte, je suis maintenant persuadé que la taille maximum de ces requins dépassait les 4.5 à 5.5 metres , pour atteindre les 7 m, en fonction de la longueur et de la forme de la nageoire caudale (queue).

Plus d'info sur le requin Ginsu :

Cretoxyrhina mantelli - The Ginsu Shark

Shark Bites: Parts is parts and pieces is pieces

      (Traduit par Jean-Michel Benoit)

Une autre fiction à propos de ce requin (en Anglais) sur ce site:

One day in the Western Interior Sea

Les cinq vertèbres, gravement érodées par l’acide stomacal du requin, mais toujours réunies par des ligaments solides, coulèrent rapidement à travers 120 mètres d’eau et atterrirent dans une boue calcaire au fond de la mer. Elles devaient y demeurer pendant presque 85 millions d’années. Des dizaines de mètres de boue recouvrirent le fossile avant que les terres ne se soulèvent et que l’océan ne recède à des centaines de kilomètres vers ce qui allait devenir le Golfe du Mexique..

Pendant des millions d'années, les sédiments furent comprimés en couches de roche tendre et soulevés de presque 800 mètres au-dessus du niveau des eaux. A la suite de ces événements, les conditions climatiques et l'érosion ont érodé presque toutes ces couches au-dessus du niveau de la mer jusqu'à ce que les vertèbres soient exposées à la lumière du jour.

Et, en 1995, un mammifère bipède au regard acéré, marchant dans les restes arides du fond érodé de l'ancienne mer intérieure, se retrouva en présence de morceaux d'os d'une couleur rouge-brun au milieu d'une zone de calcaire gris. Les reconnaissant comme des vertèbres de mosasaure, l'humain saisit un instrument tranchant et une brosse et mit au jour précautionneusement le reste du specimen de 30 centimètres. La déception assombrit bientôt le visage de l'homme quand il chercha en vain dans le calcaire d'autres restes du mosasaure. Cinq vertèvres, ça n'était pas une grosse consolation quand vous espériez trouver un mosasaure de 5 à 6 mètres de long. A regret il abandonna, repérant et marquant chaque vertèbre, les mettant dans son sac, et reprenant ses recherches. Plus d'une semaine plus tard, quand il eût nettoyé le specimen, il vit les traces de morsures de requin et les dents emprisonnées dans l'os, et il réalisa alors l'importance de sa découverte.

A gauche: cette photo montre une série de 5 vertèbres de mosasaure mordues par un requin. Le demi-cercle rouge représente la taille approximative de la morsure. Echelle 15 cm (6 pouces).

En discutant avec d'autres paléontologistes, il devint bientôt évident que personne n'avait jamais pu mettre en évidence cette sorte de prédation sur des mosasaures par le grand requin Crétacé, Cretoxyrhina mantelli. Ce requin est représenté par de nombreux gisements de dents et quelques momies incluant des dents, des vertèbres, et des tissus préservés tels que cartilages et écailles dermales. Durant son existence, il était comparable en taille et attitude au grand blanc que l'on voit dans le film "Les Dents de la Mer", et était certainement capable de manger tout ce qui passait à sa portée.

Le specimen (VP 13283-5) a été offert au Sternberg Museum de Fort Hays State University, Hays, Kansas en 1995. Il sera présenté au public après l'ouverture du nouveau Sternberg Museum comme un exemple d'interaction interspécifiques dans la mer intérieure.  Les trois photos ci-dessous montrent le specimen préparé, avec en évidence les morsures de requin et les dents emprisonnées.

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Le specimen a été cité dans plusieurs journaux (en Anglais):

Everhart, M. J., 1999. Evidence of feeding on mosasaurs by the late Cretaceous lamniform shark, Cretoxyrhina mantelli. Jour. Vert. Paleon. 17(suppl. to 3):43A-44A.

Everhart, M. J., P. A. Everhart and K. Shimada, 1995. New specimen of shark bitten mosasaur vertebrae from the Smoky Hill Chalk (upper Cretaceous) in western Kansas. Kansas Acad. Sci. Trans. 14:(Abstracts)19.

Schwimmer, D. R., J. D. Stewart and G. D. Williams, 1997. Scavenging by sharks of the genus Squalicorax in the Late Cretaceous of North America. Palaios 12(1):71-83.

Shimada, K., 1997. Paleoecological relationships of the late Cretaceous lamniform shark, Cretoxyrhina mantelli (Agassiz). Journ. Paleon. 71(5):926-933.   

chalk2.jpg (51720 bytes) Fond marin exposé du Crétacé supérieur (Smoky Hill Chalk) à Gove County, Kansas, où les vertèbres de mosasaure mordues par un requin ont été decouvertes en Janvier 1995.

"Shark Attack" Kansas Academy of Sciences Abstract et images additionelles

On Location with Wall to Wall T.V. LTD - Filming the evidence of an ancient shark attack for Paleoworld; "Prehistoric Sharks"

Crédits: Les dessins de Cretoxyrhina mantelli ont été adaptés d'après Kenshu Shimada, 1994. Paleobiology of the Late Cretaceous Shark, Cretoxyrhina mantelli. Masters Thesis non publiée, Fort Hays State University.


Traduit par Jean-Michel Benoit

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